AAP : Congrès DéPOT 2025 – Paris, 19-21 juin 2025

Désindustrialisation, nation, immigration : quelles réponses politiques ?

 

La désindustrialisation qui a frappé dès les années 1950 les pays d’Amérique du Nord et d’Europe du Nord-Ouest a touché inégalement des mains-d’œuvre très diverses, victimes des licenciements massifs et des délocalisations, sur fond de mondialisation et de libéralisation des échanges : des hommes et des femmes, des ouvriers nationaux et des immigrés, des personnes racisées, parfois remplacés par d’autres mains-d’œuvre moins rémunérées et moins protégées. Ce mouvement puissant s’impose à la fin des années 1970 et au début des années 1980, alors que le mouvement syndical est à son apogée, que des partis sociaux-démocrates peuvent exercer le pouvoir, notamment en Europe de l’Ouest.

Dans ce contexte, la désindustrialisation déstabilise en profondeur le mouvement ouvrier et les partis de gauche. Ceux-ci se trouvent confrontés à un défi politique, stratégique et intellectuel immense, avec la disparition d’un modèle industriel qui fournissait toute une série de repères, la crise des politiques économiques et sociales contracycliques, et, last but not least, l’érosion de leur base électorale. De manière presque simultanée, les réactions chauvines ou xénophobes, traditionnelles dans les crises économiques et politiques, se sont multipliées favorisant la consolidation de mouvements d’extrême-droite qui dénoncent la présence immigrée, la concurrence étrangère déloyale, mais aussi des populations locales ou des régions entières jugées comme des poids dépendant de l’aide sociale.

Si un certain nombre de ces éléments font régulièrement l’objet de l’attention des médias et de l’opinion publique, force est de constater que les analyses proprement historiques, établissant les liens entre ces différents éléments, font encore défaut. Il en est de même pour les comparaisons entre les situations régionales et nationales.

L’enjeu du congrès est donc d’éclairer sur le plan historique ces différents contextes, et de réarticuler ces différents phénomènes contemporains, afin de comprendre, d’une part, comment les différentes formes de désindustrialisation remettent en jeu les questions de race, d’immigration et de nation, et, d’autre part, comment elles transforment les réponses politiques susceptibles d’être apportées à ces questions. Les études de cas précises sur une situation, un territoire, un groupe seront les bienvenues (en Europe et en Amérique du Nord au cours du second XXe siècle, mais aussi sur des terrains du Sud global). On encouragera en même temps les communications qui croisent les catégories, comparent les territoires ou font varier les échelles.

Plusieurs pistes, sans exclusive, pourront être suivies :

Race, nation et main-d’œuvre immigrée

Les catégories de main-d’œuvre évoluent et diffèrent selon les territoires, notamment de part et d’autre de l’Atlantique. En Europe de l’Ouest, une lecture en termes de ligne de couleur n’est pas forcément opératoire alors que la nationalité distingue des étrangers, dont certains peuvent être « blancs ». Dès lors, une vigilance particulière s’impose dans l’emploi des catégories en fonction des contextes et des territoires. Mais il convient de voir comment ces mains-d’œuvre traversent la désindustrialisation, les manières dont des entreprises ou des politiques publiques peuvent les cibler, comment ces hommes et ces femmes au travail réagissent, s’il y a des spécificités à relever. Ainsi, les regards historiques sur les différents processus d’intégration par le travail industriel des populations immigrées et de leurs descendants et, a contrario, les phénomènes de ghettoïsation issus, en partie, des difficultés économiques et sociales en liens avec la désindustrialisation peuvent constituer des thèmes d’études intéressants voire inédits.

Entre impuissance et action, entre aveuglement et prise de conscience : quelles réponses de la part des mouvements ouvriers ?

Ces mouvements ouvriers, dans leur composante politique, syndicale voire associative sont très divers et peuvent relever de traditions idéologiques multiples (progressiste, socialiste, communiste, chrétienne, etc.) Leur implantation varie aussi selon les périodes, les branches et les territoires, tandis que certaines de leurs composantes peuvent exercer le pouvoir. Ces situations diverses soulèvent une batterie particulièrement nombreuse de questions : sur les combats qui sont menés (et avec quel répertoire d’action et à quelle échelle) ; les questions qui sont posées et celles qui sont ignorées, les mains-d’œuvre privilégiées et celles qui sont peu ou prou délaissées ; les politiques adoptées (sauvetage des emplois ? politique industrielle ?)

Populisme, extrême-droite et désindustrialisation.

L’un des phénomènes politiques les plus marquants liés aux formes contemporaines de désindustrialisation est la croissance, au moins dans un certain nombre d’anciennes régions industrielles, de mouvement populiste nationaliste ou d’extrême-droite. Les questions potentielles sont là aussi nombreuses : pourquoi ce phénomène est-il surtout visible dans certains pays et dans certaines régions, et beaucoup moins dans d’autres ? Comment expliquer que ce soit imposé un populisme d’extrême-droite, et beaucoup moins un populisme de gauche ? Il s’agirait aussi de tenter de donner des clefs d’explication à l’implantation de ces mouvements nationalistes et racistes dans certaines régions désindustrialisées : quels discours sur la désindustrialisation sont proposés ? Quel rapport à la nation ? Quelles méthodes d’implantation ? Comment est considéré l’ancien groupe ouvrier et sur la base de quelle opposition entre Eux et Nous ? Quelle base électorale proprement ouvrière parviennent-ils à séduire ?

Modalités pratiques

Une sélection des communications sera publiée dans un ouvrage collectif publié par les Presses de l’Université de Toronto. Les intervenant·e·s souhaitant contribuer à cet ouvrage seront invités à soumettre le texte de leur communication trois semaines avant le colloque.

Veuillez envoyer vos propositions (c300 mots) et un CV bref à deindustrialization@concordia.ca avant le 5 novembre 2024

Les résultats seront communiqués au début du mois de décembre 2024.